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28 février 2024Quid de la limite d'âge de l'enfant pour être auditionné par le juge ?
Un juge aux affaires familiales fixe la résidence d'un enfant chez sa mère et aménage le droit de visite et d'hébergement du père, l'exercice de l'autorité parentale étant conjoint. En appel, l'enfant présente une demande d'audition. Pour la rejeter, l'arrêt retient, d'une part, que celui-ci n'est âgé que de neuf ans et n'est donc pas capable de discernement, d'autre part, que la demande paraît contraire à son intérêt.
La décision de la cour d'appel est cassée au visa des articles 388-1 du Code civil et 338-4 du Code de procédure civile. Après avoir énoncé qu'il résulte de ces textes que, « lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d'audition ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas », la Cour de cassation reproche aux juges du fond de s'être « born(és) à se référer à l'âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n'était pas capable de discernement », et de s'être ainsi prononcés par un motif impropre à justifier le refus d'audition.
Aux termes de l'article 388-1 du Code civil , « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. / Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. (...) ». Comme l'article 12 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant énonçant que « Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement (...) la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant », le Code civil français impose donc une condition de discernement qui ne se confond pas avec l'âge. Tout simplement parce qu'à âge égal, certains enfants ont davantage de discernement que d'autres. Cela peut être dû à des différences de maturité, à une altération des facultés mentales ou encore à l'environnement familial (Cass. 1re civ., 12 juin 2013, n? 12-13.402. - Cass. 1re civ., 15 mai 2013, n? 12-12.224). Il revient aux tribunaux d'apprécier, in concreto et souverainement (Cass. 1re civ., 29 mai 1996 : JurisData n° 1996-002183 ), si l'enfant est ou non capable de discernement, la seule référence à l'âge étant porteuse d'erreurs. Tout au plus l'âge peut-il conduire à poser une présomption susceptible d'être renversée par la preuve contraire (CA Aix-en-Provence, 8 déc. 2005 : JurisData n° 2005-299661 ; CA Montpellier, 24 avr. 2007 : JurisData n° 2007-341299 ). Il est généralement admis que passé sept ans, un enfant est présumé capable de discernement.
On formulera pour finir trois observations. En premier lieu, l'audition de l'enfant qui en fait la demande est soumise, outre à sa capacité de discernement, à deux autres conditions de fond : sa minorité et son intérêt à la procédure (V. J.-Cl. Civil Code, Art. 388-1 et 388-2, nos 44 et s.). En deuxième lieu, la condition de discernement exigée par l'article 388-1 du Code civil soulève une difficulté pratique : comment apprécier le discernement de l'enfant sans l'entendre ? Sauf à pouvoir se fonder sur les pièces versées à la procédure quand c'est possible (CA Montpellier, 6 juin 1994 : JurisData n° 1994-034187 ). En troisième lieu, des conventions signées entre certains barreaux et les TGI fixent parfois l'âge auquel l'enfant peut être entendu, afin de limiter les inévitables disparités judiciaires. Au regard de la décision rapportée, la seule référence à un tel accord ne permettrait pas de justifier un refus d'audition.
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